Rabouan Moussion | Paris
28. November 2020 - 20. März 2021
A journey in Black and White
Erwin Olaf
Après avoir réalisé, en 2017, les portraits de la famille royale et investi, en 2019, la collection du Rijksmuseum avec plus de 500 œuvres, Erwin Olaf s’est vu offrir pour sa soixantième année une rétrospective retraçant 40 ans de carrière au Gemeentemuseum ainsi qu’au Fotomuseum de La Haye.
Erwin Olaf et la galerie Rabouan Moussion proposent 2020 & Before - A journey in Black and White, une exposition montrant l’évolution de sa pratique depuis les premiers clichés délibérément subversifs jusqu’aux œuvres actuelles, tableaux photographiques plus familiers du public français montrant de façon intimiste des scènes d’intérieur dont l’apparente perfection laisse transparaître le malaise et la solitude des sujets.
Le choix du noir – et blanc
Si la photographie consiste par essence à travailler avec la lumière, le choix opéré pour cette nouvelle exposition montre la singularité d’Erwin Olaf quant à son traitement : si les séries Blacks et Dusk ont été réalisées en couleur, les sujets et les décors ont été intégralement peints en amont. La manipulation délicate de la lumière et des contrastes décline toute une palette de valeurs de noir, et confère à ces œuvres leur dimension monochrome.
Les autres photographies en noir et blanc, d’autant plus lorsqu’elles montrent des corps, le font avec une lumière scénographiée, qui sculpte les objets ou la peau et fait apparaître la beauté du moindre volume, celui des muscles ou bien des rides, des fibres d’une étoffe ou d’un duvet, d’un cheveu ou d’un cil.
La tension
Qu’il s’agisse des premières séries – Squares, Chessmen, Ten Tables – ou d’œuvres plus récentes – Dusk, Berlin, April Fool –, le traitement de l’image entre en tension avec son sujet.
Le studio apporte de l’artificialité au cliché photographique. Il ne s’agit pas d’un instantané pris sur le vif mais d’une image construite, composée au sens pictural du terme. Le contenu parfois érotique contraste avec la construction de l’image, très classique. Ou à l’inverse, les clichés d’apparence très lisse laissent entrevoir une faille, une fêlure :
What I want to show most of all is a perfect world with a crack in it. I want to make the picture seductive enough to draw people into the narrative, and then deal the blow.
Les photographies, qui depuis Berlin s’ancrent dans des lieux symboliques extérieurs au studio de l’artiste, offrent une narration nouvelle. La solitude des personnages, évoluant dans des paysages en friche ou des zones urbaines désertées, se manifeste désormais face au monde dépeuplé qu’ils habitent.
Indochine 2017-2020
Le groupe INDOCHINE sera de retour sur scène en 2021 avec le Central Tour. Poursuivant une collaboration débutée en 2017 pour l’album 13, Erwin Olaf a réalisé le portrait du groupe pour cette nouvelle tournée, représentant les membres du groupe en ados rebelles.
La création contemporaine est au cœur de l’univers visuel du groupe Indochine, pilier de la scène pop-rock française depuis 1981 et qui a derrière lui une belle histoire de collaborations artistiques, l’américaine Ana Bagayan ayant dépeint l’univers d’Alice & June (2005) par exemple. Leurs clips sont également le fruit de rencontres avec des réalisateurs : Jaco van Dormael pour Ladyboy (2006), Xavier Dolan et son polémique College Boy (2013), le photographe Richard Kern avec Black City Parade (2013), avant enfin que celui de La Vie est Belle, premier single de 13, soit signé Asia Argento
April Fool, 2020
Dans April Fool, sa dernière série, l’artiste se met en scène comme un personnage spectral, errant tel un automate dans des décors urbains désertés ou des rayons de supermarchés dévastés, scènes glaçantes et presque apocalyptiques qui renvoient aux visions auxquelles nous avons été confrontés durant ces derniers mois, transformées aujourd’hui en une expérience esthétique commune.
La narration visuelle d’April Fool 2020 [Poisson d'Avril] donne forme aux émotions et aux images qui m'ont paralysé lorsque nous nous sommes soudain réveillés dans le cauchemar surréaliste de cette pandémie. La peur et l'impuissance dominent en moi depuis quelques semaines ; je me sens comme un simple figurant dans un film d’épouvante, dont la conclusion est totalement imprévisible. L'avion à bord duquel nous sommes a perdu ses moteurs – le silence ronronnant n’est que le présage de ce qui est à venir. Les rayons de supermarché, vidés par des accumulateurs fébriles, me font réaliser que depuis des décennies j'ai cru que tout serait toujours là, que nous continuerions à danser autour du volcan. Rien n’est moins vrai, et me voici, debout, la bouche pleine de dents. J’erre, désœuvré, dans l’attente d’on ne sait quoi, à redouter un ennemi que je ne puis voir, et qu'heureusement je n'ai pas encore senti. Le château de cartes s'effondre.
(Text: Erwin Olaf, Amsterdam)